Nous retrouvons des dates estivales et nous proposerons des évènements et rencontres, en plein air, sur les pelouses du Château de Dieppe, sous une tente d’inspiration bédouine, ainsi que pour une soirée de projections à Dieppe Scène Nationale. Avec ce terme d’ « école », nous entendons nous inscrire dans la longue filiation des écoles inventées par des artistes, lesquelles auront cherché, autant à renouveler les modes de transmission, à proposer des formes de pédagogies alternatives qu’à faire communauté, à développer des réseaux d’amitiés et de solidarité.

Le 11 mai 2022, la vidéo des discours de huit étudiant.e.s lors de la cérémonie de remise des diplômes de l’école d’agronomie AgroParisTech faisait l’effet d’une petite bombe sur la scène publique.

En annonçant leur décision de renoncer aux métiers pour lesquels ils étaient désormais formés, ces étudiant.e.s s’en prenaient à leur école et à l’agro-industrie qu’elle soutient, politisant leurs « défections » de ces structures, tout en encourageant leurs pairs à faire de même. Plus récemment, d’autres étudiant.e.s ont à leur tour exprimé leur refus de faire carrière dans une relation non critique avec la technologie. Partout en France, des collectifs tentent de construire des points de rencontre pour les fugitifs. De la Zad de Notre-Dame-des-Landes aux écoles d’architecture ou d’agronomie, les initiatives se multiplient pour ouvrir l’horizon aux décrocheurs.ses potentiel.le.s. Selon le collectif désert’heureuses, la fuite n’est plus une simple désertion mais une nouvelle stratégie de lutte.

« La désertion n’est pas tant une défaite qu’une façon de se débarrasser de l’élément grégaire qui est en nous », écrivait encore, récemment, Dénetem Touam Bona dans son essai Sagesse des lianes. Fuir, ce n’est pas se mettre en fuite, mais au contraire faire fuir le réel, opérer une infinité de variations pour déjouer tout embargo. Déserter, renoncer, bifurquer, démissionner, fuguer, en temps de bascule écologique apparait désormais comme une des réponses les plus élaborées de notre époque et l’invention d’une grammaire pour des temps futurs.  Ainsi, nous invitons pour l’édition 2023 artistes, philosophes, cinéastes, poètes, écrivains, musiciens, architectes, agriculteurs, etc. à explorer différents formats de rencontres, souvent participatifs en parallèle des rencontres plus classiques.

Parmi celles ci, le collectif Rotule ouvrira cette édition par un concert dont le motif central, en sera la chute. Le philosophe Alexandre Monnin posera la question de comment politiser le renoncement. L’herboriste Clémence Hollemaert vous emmènera dans une balade botanique à la recherche des plantes sauvages comestibles présentes dans la ville de Dieppe. Le philosophe Patrice Maniglier proposera un club de lecture à partir d’un texte classique de Kant, pour une cosmopolitique « terrestre ». L’artiste Paula Valero Comin proposera une « assemblée constituante écoféministe » pour non-adultes, autant d’espace de parole pour les adolescents, mené en collaboration avec le centre social Foyer Duquesne.

L’architecte Xavier Wrona proposera un atelier de collages d’imaginaires urbains, en se posant la question de ce que serait, si l’on suivait rigoureusement le slogan zadiste « ZAD partout ». L’autrice Stephanie Garzanti proposera un atelier d’écriture inclusive et travaillera sur les pronoms que nous utiliserons. L’autrice Corine Morel Darleux nous aidera à penser comment se faire une « sauvagière à soi », un lieu d’où on se retire de tout contact humain. Nous nous attacherons à des cinémas expérimentaux écologiques et animistes en présence du poète et cinéaste Elio Della Noce. L’artiste Rose Mahé Cabel traverse les mondes, et mue, en créature arachnide à l’occasion d’une performance. L’artiste Catherine Radosa nous emmène dans un lieu de résistance à l’urbanisation et aux appétits dévastateurs de la mégalopole.

Simona Dvorák & Tadeo Kohan chercheront à tisser de nouveaux récits à Dieppe en invitant des participant.e.s (c’est-à-dire vous) à apporter leurs propres histoires. Le philosophe Paul Guillibert s’interrogera sur la mise au travail du vivant, Fatima Ouassak cherchera à penser une écologie pirate, depuis les quartiers populaires. Le philosophe Mohamed Ahmed Meziane nous montrera qu’il ne suffit pas d’attribuer un esprit aux plantes et aux animaux pour soigner les ravages de l’extractivisme. Encore faudrait-il écouter dragons et êtres souterrains qui tiennent une place centrale dans les traditions vivantes qui peuplent cette terre.

L’École des Impatiences est une école sans murs et sans inscription préalable, ouverte à tous.tes et pour tous.tes.

L’École des Impatiences met au cœur de son projet notre impatience contemporaine, celle qui nous demande de faire face aux défis climatiques, sociaux, et culturels. Notre impatience devant l’urgence.

Aliocha Imhoff & Kantuta Quirós